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L’ŒUVRE DU MARQUIS DE SADE

essaya en vain de faire imposer au Théâtre-Français (qui l’avait refusée parce qu’il était question de Louis XI) sa pièce Jeanne Laisné ou le Siège de Beauvais.

Le 21 juillet 1798, il adressa au Journal de Paris la lettre suivante :


« S’il existe un savant dans le monde auquel on puisse pardonner une faible erreur dans l’histoire des événements de la terre, c’est assurément celui qui met autant de profondeur, de sagacité, de précision dans l’histoire des événements du ciel. Occupé d’objets si sérieux, de calculs si intéressants et toujours si justes, le citoyen Lalande n’est-il pas excusable de s’être trompé sur le nom de l’héroïne de Beauvais, quand presque tous les historiens modernes lui tracent la route de cette erreur ? Je le prie donc de me pardonner si, bien moins pour révéler cette légère faute que pour rendre à l’immortalité le véritable nom de cette héroïne, je prouve évidemment que jamais cette fille ne porta le nom de Hachette.

« Ayant traité ce sujet dans une comédie lue au Théâtre-Français le 24 novembre 1791, j’ai été prendre les plus exactes précautions pour éclairer les faits historiques qui la concernent. D’après Hénault, Garnier et quelques autres, il fût devenu tout simple que j’eusse pensé, comme le citoyen Lalande, que cette femme s’appelait Jeanne Hachette ; mais pour me rendre plus certain du fait, je crus devoir consulter, à Beauvais même, les lettres patentes accordées par Louis XI à l’illustre guerrière de cette ville, et déposées pour lors à la maison commune ; je les transcrivis, et elles seront un jour littéralement imprimées à côté de ma pièce. Voici ce que l’on trouve dans ces lettres et ce que je crois devoir placer ici pour donner à ce que j’établis toute l’authenticité que doit avoir la hardiesse littéraire d’un reproche fait à des savants tels que Garnier, Hénault, Lalande, etc.

« Après le protocole d’usage, c’est ainsi que Louis XI s’exprime dans les lettres patentes accordées à l’héroïne dont il s’agit : « Savoir faisons que par considération de la bonne et vertueuse résistance qui fut faite l’année dernière passée (1472) par notre chère et bien-aimée Jeanne Laisné, fille de Mathieu Laisné, demeurant en notre ville de Beauvais, à l’encontre des Bourguignons, etc. »

« En voilà assez pour faire connaître, d’une façon incontes-