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INTRODUCTION

neur de vous envoyer dernièrement, je vous prie de me la renvoyer ; je n’imaginais pas qu’il fallait être soumis aux mêmes délais pour ce que l’on donne et pour ce que l’on rend. En un mot, monsieur, je vous prie de m’instruire du sort de cette négociation et de me croire, avec tous les sentiments possibles,

Votre citoyen,

Sade.

Le 15 mars 1793, l’an 2 de la République, rue Neuve-des-Mathurins, Chaussée-d’Antin[1].


On m’apprend, citoyen, que la Comédie-Française a quelques sujets de se plaindre de moi…, qu’elle a été surprise de la lettre où je la priais de me donner une prompte réponse à l’offre que je lui faisais d’une petite pièce ; si cela était, convenez, citoyen, qu’il serait bien malheureux de se brouiller pour une politesse qu’on veut faire.

Je ne puis ni ne dois laisser subsister plus longtemps ce louche, je n’ai point mérité de perdre l’estime de votre Société, je l’aime, la sers et la défends depuis vingt-cinq ans, je prie M. Mole de le certifier.

Justifiez-moi devant elle, citoyen, je vous en prie, et comme elle est équitable, en l’assurant de ma part que je n’ai et n’aurai jamais aucun tort réel à ses yeux, cela suffira. J’ai désiré la lecture de ma petite pièce, je la désire encore, je sais qu’elle est faite pour réussir, j’en demande la plus prompte représentation, c’est un service que je supplie la Comédie de me rendre, j’ai de fortes raisons de le désirer, et comme je ne veux pas que l’on croie que l’intérêt motive ces instances, que je ne veux rien de cette pièce, la délicatesse de la Comédie s’oppose à cet arrangement, et bien je vais concilier son désintéressement et le mien ; j’abandonne pour les frais de la guerre

  1. Cette lettre est précédée de la minute inédite de la réponse que l’on fit au marquis de Sade : « Répondre que la Comédie n’est pas dans l’usage d’accepter aucune pièce sans en donner la rétribution à son auteur, qu’en conséquence elle avait arrêté de lire sa pièce et de suivre pour elle la marche ordinaire, mais que ses occupations ne lui permettent pas d’en fixer le jour aussi prochain que M. de Sade le demande. Elle lui renvoie sa pièce. »