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INTRODUCTION

ordre, Elle y rencontre un riche gentilhomme qui l’épouse et qu’elle empoisonne. Elle part ensuite pour l’Italie, visite les grandes villes en se prostituant partout aux personnages les plus opulents. Elle s’associe avec un chevalier d’industrie nommé Sbrigani. Ils se rendent à Florence, où ils s’arrêtent quelque temps. Juliette, comme dans toutes les villes de résidence où elle passe, est admise à la cour. Je n’insiste pas sur toutes les scènes criminelles qui se passent à toutes les pages de ce roman. L’anthropophagie y tient une certaine place. À Rome, Juliette est reçue par le pape Pie VII. Elle lui énumère chronologiquement les crimes de la papauté. Le pape veut l’interrompre : « Tais-toi, vieux singe ! » lui ordonne Juliette, et Pie VII finit par s’écrier : « O Juliette ! on m’avait bien dit que tu avais de l’esprit, mais je ne t’en croyais pas autant ; un tel degré d’élévation dans les idées est extrêmement rare chez une femme. »

Juliette se rend ensuite à Naples. En route il lui arrive de nouvelles aventures avec des brigands, dans la troupe desquels elle retrouve lady Clairwill. À Naples, le roi Ferdinand Ier reçoit Juliette avec beaucoup d’égards. Il y a ensuite des descriptions d’Herculanum, de Pompéi, etc. Juliette finit, avec la complicité de la reine Marie-Caroline, par voler une certaine quantité de millions au roi de Naples. L’opération ayant réussi, Juliette dénonce la reine et reprend le chemin de la France.

« Ces piètres inventions, dit Alcide Bonneau, montrent que le marquis de Sade se flattait de connaître les secrets d’alcôve des monarques italiens et n’en savait pas le premier mot ; les intrigues de la reine de Naples et de ses favorites étaient cependant assez publiques. L’imagination, même la plus effrénée, est restée bien au-dessous de l’histoire. » En effet, l’histoire même s’est chargée d’absoudre les récits philosophiques du marquis qui, dans Juliette, ne nous promène pas seulement dans les cours italiennes, mais aussi dans les cours du Nord, à Stockholm, à Saint-Pétersbourg.

M. le docteur Duehren a publié en 1904 (v. l’Essai bibliographique ) un manuscrit du marquis de Sade contenant un de ses ouvrages les plus audacieux. Il s’agit des 120 jours de Sodome ou l’École du libertinage, manuscrit qu’on avait pris au marquis à la Bastille et dont il ressentit très vivement la disparition. C’est sans doute cette Théorie du libertinage dont Restif de la Bretonne parle dans Monsieur Nicolas mais qu’il n’a