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INTRODUCTION

produites. On assure qu’il a fait lui-même les essais de plusieurs dérèglements qu’il a décrits avec une épouvantable énergie. Il était gros d’horreurs, et son odieuse fécondité lui imposait le besoin d’en enfanter jusque dans les prisons où l’on voulait étouffer son infernal génie. Des inspecteurs de la police avaient la mission de visiter fréquemment les lieux qu’il habitait et d’enlever tous les écrits qu’ils y trouveraient et qu’il cachait quelquefois de manière à rendre les recherches très difficiles. Le sieur V…t, chargé souvent de faire ces visites, a dit à plusieurs personnes que, malgré les glaces de l’âge, il sortait encore, à travers les feux de cette imagination véritablement volcanique, des productions plus abominables encore que celles qui ont été livrées au public.

« Il est possible que les cartons du bureau des mœurs de la préfecture de police servent de catacombes à ces infâmes enfants d’une dépravation qu’on ne saurait qualifier ; mais il est aussi à désirer qu’ils rentrent dans le néant d’où ils n’auraient jamais dû sortir. »

Le docteur Cabanes (Chronique médicale du 15 décembre 1902), après avoir déploré que l’on ne connaisse point d’image réelle du marquis de Sade, ajoute : « Nous croyons savoir cependant qu’il en existe une, une délicieuse miniature, qui se trouve en la possession d’un érudit collectionneur, lequel, hâtons-nous de le dire, ne s’en dessaisirait pas facilement même pour une reproduction. »

Quant à Restif de la Bretonne, qui connaissait bien les ouvrages du marquis de Sade, imprimés et même manuscrits, et s’en préoccupait, il ne l’a jamais rencontré. « C’est, dit-il dans Monsieur Nicolas, un homme à longue barbe blanche qu’on porta en triomphe en le tirant de la Bastille. » On sait que le 14 juillet le marquis de Sade n’était plus à la Bastille.

Dès sa jeunesse, il se livra aux lectures les plus variées, lisant toutes sortes de livres, mais préférant les ouvrages de philosophie, d’histoire et surtout les récits des voyageurs qui lui donnaient des renseignements sur les mœurs des peuples éloignés. Lui-même observait beaucoup. Il était bon musicien, dansait à la perfection, montait très bien à cheval, était de première force à l’escrime et s’occupa même de sculpture. Il aimait beaucoup la peinture et passait de longues heures dans les galeries de tableaux. On le vit souvent dans celles du