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faire croire à l’élévation de ſon rang, l’autre à peu près du même âge paraiſſait un de ſes domeſtiques. L’acte fut ſcandaleux & long. Appuyé ſur ſes mains à la crête d’une petite monticule en face du taillis où j’étais, le jeune maître expoſait à nud au compagnon de ſa débauche l’autel impie du ſacrifice, & celui-ci plein d’ardeur à ce ſpectacle en careſſait l’idole, tout prêt à l’immoler d’un poignard bien plus affreux & bien plus giganteſque que celui dont j’avais été menacée par le chef des brigands de Bondi ; mais le jeune maître nullement craintif, ſemble braver impunément le trait qu’on lui préſente ; il l’agace, il l’excite, le couvre de baiſers ; s’en ſaiſit, s’en pénétre lui-même, ſe délecte en l’engloutiſſant ; entouſiaſmé de ſes criminelles careſſes, l’infâme ſe débat ſous le fer & ſemble regretter qu’il ne ſoit pas plus effrayant encore ; il en brave les coups, il les prévient, il les repouſſe… Deux tendres & légitimes époux ſe careſſeraient avec moins d’ardeur… Leurs bouches ſe preſſent, leurs ſoupirs ſe confondent, leurs langues s’entrelacent, & je les vois tous deux enivrés de luxure, trouver au centre des délices le complément de leurs perfides horreurs. L’hommage ſe renouvelle, & pour en rallumer l’encens, rien n’eſt épargné par celui qui l’exige ; baiſers, attouchemens, pollutions, rafinemens de la plus inſigne débauche, tout s’emploie à rendre des forces qui s’éteignent, & tout