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J’allais répondre encore à ces épouvantables blaſphêmes, lorſque le bruit d’un homme à cheval ſe fit entendre auprès de nous. Aux armes ! s’écria Cœur-de-fer plus envieux de mettre en action ſes ſyſtêmes que d’en conſolider les baſes. On vole… & au bout d’un inſtant on amène un infortuné voyageur dans le taillis où ſe trouvait notre camp.

Interrogé ſur le motif qui le faiſait voyager ſeul, & ſi matin dans une route écartée, ſur ſon age, ſur ſa profeſſion, le cavalier répondit qu’il ſe nommait Saint-Florent, un des premiers Négocians de Lyon, qu’il avait trente-ſix ans, qu’il revenait de Flandres pour des affaires relatives à ſon commerce, qu’il avait peu d’argent ſur lui, mais beaucoup de papiers. Il ajouta que ſon valet l’avait quitté la veille, & que pour éviter la chaleur, il marchait de nuit avec le deſſein d’arriver le même jour à Paris, où il reprendrait un nouveau domeſtique, & conclurait une partie de ſes affaires ; qu’au ſurplus s’il ſuivait un ſentier ſolitaire, il fallait apparemment qu’il ſe fût égaré en s’endormant ſur ſon cheval. Et cela dit, il demande la vie, offrant lui-même tout ce qu’il poſſédait. On examina ſon porte-feuille, on compta ſon argent, la priſe ne pouvait être meilleure. Saint-Florent avait près d’un demi-million payable à vue ſur la Capitale, quelques bijoux & environ cent louis… Ami, lui dit Cœur-de-fer, en lui

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