celui de la Nature ? N’eſt-ce pas le seul qui nous
convienne réellement ? Les hommes naquîrent tous
iſolés, envieux, cruels & deſpotes ; voulant tout
avoir & ne rien céder, et ſe battant sans ceſſe
pour maintenir ou leur ambition ou leurs droits,
le légiſlateur vint & dit : ceſſez de vous battre
ainsi ; en cédant un peu de part & d’autre, la
tranquillité va renaître. Je ne blâme point la propoſition
de ce pacte, mais je ſoutiens que deux
eſpèces d’individus, ne dûrent jamais s’y soumettre ;
ceux qui ſe ſentant les plus forts n’avaient
pas beſoin de rien céder pour être heureux, &
ceux qui étant les plus faibles, ſe trouvaient céder
infiniment plus qu’on ne leur aſſurait. Cependant
la ſociété n’eſt compoſée que d’êtres faibles &
d’êtres forts ; or, ſi le pacte dut déplaire aux forts
& aux faibles, il s’en fallait donc de beaucoup
qu’il ne convint à la ſociété, & l’état de guerre
qui exiſtait avant, devait se trouver infiniment
préférable, puiſqu’il laiſſait à chacun le libre
exercice de ſes forces & de ſon induſtrie dont
il ſe trouvait privé par le pacte injuſte d’une ſociété,
enlevant toujours trop à l’un & n’accordant
jamais aſſez à l’autre ; donc l’être vraiment
sage eſt celui qui, au haſard de reprendre l’état de
guerre qui régnait avant le pacte, ſe déchaîne irrévocablement
contre ce pacte, le viole autant qu’il
le peut, certain que ce qu’il retirera de ces léſions
ſera toujours ſupérieur à ce qu’il pourra perdre,
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