Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 67 )


eſt le plus fort, ſacrifié par le premier qu’il offenſera, s’il eſt le plus faible ; mais détruit de toute maniere par la raiſon puiſſante qui engage l’homme à aſſurer ſon repos & à nuire à ceux qui veulent le troubler ; telle eſt la raiſon qui rend preſqu’impoſſible la durée des aſſociations criminelles, n’oppoſant que des pointes acérées aux intérêts des autres, tous doivent ſe réunir promptement pour en émouſſer l’aiguillon. Même entre nous, Madame, oſé-je ajouter, comment vous flatterez-vous de maintenir la concorde lorſque vous conſeillerez à chacun de n’écouter que ſes ſeuls intérêts ? Aurez-vous de ce moment quelque choſe de juſte à objecter à celui de nous qui voudra poignarder les autres, qui le fera, pour réunir à lui ſeul la part de ſes confreres. Eh ! quel plus bel éloge de la Vertu que la preuve de ſa néceſſité, même dans une ſociété criminelle,… que la certitude que cette ſociété ne ſe ſoutiendrait pas un moment ſans la Vertu !

— C’eſt ce que vous nous oppoſez, Théreſe, qui ſont des ſophiſmes, dit Cœur-de-fer, & non ce qu’avait avancé la Dubois, ce n’eſt point la Vertu qui ſoutient nos aſſociations criminelles ; c’eſt l’intérêt, c’eſt l’égoïſme ; il porte donc à faux cet éloge de la Vertu que vous avez tiré d’une chimérique hypothèſe ; ce n’eſt nullement par vertu que me croyant, je le ſuppoſe, le plus fort de la troupe, je ne poignarde pas mes camarades