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ſais quelles ſont les paſſions des libertins de notre eſpece : détermine-toi donc, & ne fais pas attendre ta réponſe. — Allez, mon pere, répondis-je avec horreur, allez, vous êtes un monſtre d’oſer abuſer auſſi cruellement de ma ſituation, pour me placer entre la mort & l’infamie ; je ſaurai mourir s’il le faut, mais ce ſera du moins ſans remords. — À votre volonté, me dit ce cruel homme en ſe retirant ; je n’ai jamais ſçu forcer les gens pour les rendre heureux. — La vertu vous a ſi bien réuſſi juſqu’à préſent, Théreſe, que vous avez raiſon d’encenſer ſes autels… Adieu : ne vous aviſez pas ſur-tout de me redemander davantage. Il ſortait ; un mouvement plus fort que moi me rentraîne à ſes genoux. — Tigre, m’écriai-je en larmes, ouvre ton cœur de roc à mes affreux revers, & ne m’impoſe pas pour les finir des conditions plus affreuſes pour moi que la mort… La violence de mes mouvemens avoit fait diſparaître les voiles qui couvraient mon ſein, il était nud, mes cheveux y flottaient en déſordre, il était inondé de mes larmes ; j’inſpire des déſirs à ce malhonnête homme… des déſirs qu’il veut ſatisfaire à l’inſtant ; il oſe me montrer à quel point mon état les irrite ; il oſe concevoir des plaiſirs au milieu des chaînes qui m’entourent, ſous le glaive qui m’attend pour me frapper… J’étais à genoux… il me renverſe, il ſe précipite avec moi ſur la mal-