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ſon Ordre ſituée en cette ville. Ce Moine m’aborde, & après m’avoir tout-bas aigrement reproché ma fuite, & m’avoir fait entendre que je courais de grands riſques d’être repriſe, s’il en donnait avis au Couvent de Bourgogne, il m’ajouta en ſe radouciſſant, qu’il ne parlerait de rien ſi je voulais à l’inſtant même le venir voir dans ſa nouvelle habitation avec la fille qui m’accompagnait, & qui lui paraiſſait de bonne priſe ; puis faiſant haut la même propoſition à cette créature, nous vous payerons bien l’une & l’autre, dit le monſtre, nous ſommes dix dans notre maiſon, & je vous promets au moins un louis de chaque, ſi votre complaiſance eſt ſans bornes ; je rougis prodigieuſement de ces propos ; un moment, je veux faire croire au Moine qu’il ſe trompe, n’y réuſſiſſant pas, j’eſſaie des ſignes pour le contenir, mais rien n’en impoſe à cet inſolent, & ſes ſollicitations n’en deviennent que plus chaudes ; enfin ſur nos refus réitérés de le ſuivre, il ſe borne à nous demander inſtamment notre adreſſe ; pour me débarraſſer de lui, je lui en donne une fauſſe, il l’écrit dans ſon porte-feuille, & nous quitte en nous aſſurant qu’il nous reverra bientôt.

En nous en retournant à l’auberge j’expliquai comme je pus l’hiſtoire de cette malheureuſe connaiſſance à la fille qui m’accompagnait, mais ſoit que ce que je lui dis ne la ſatisfit