Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 133 )


voulu vous charger de ma reconnaiſſance, & je vous conjure de m’acquitter amplement.

L’obſcurité de ces propos, ceux que la Dubois m’avait tenus en entrant, l’eſpece d’homme à qui j’avais affaire, cette jeune fille qu’on annonçait encore, tout remplit à l’inſtant mon imagination d’un trouble qu’il ſerait difficile de vous peindre. Une ſueur froide s’exhale de mes pores, & je ſuis prête à tomber en défaillance : tel eſt l’inſtant où les procédés de cet homme finirent enfin par m’éclairer. Il m’appelle, il débute par deux ou trois baiſers où nos bouches ſont forcées de s’unir ; il attire ma langue, il la ſuce, & la ſienne au fond de mon gozier ſemble y pomper juſqu’à ma reſpiration. Il me fait pencher la tête ſur ſa poitrine, & relevant mes cheveux, il obſerve attentivement la nuque de mon cou. — Oh ! c’eſt délicieux, s’écrie-t-il en preſſant fortement cette partie, je n’ai jamais rien vu de ſi bien attaché ; ce ſera divin à faire ſauter. Ce dernier propos fixa tous mes doutes ; je vis bien que j’étais encore chez un de ces libertins à paſſions cruelles, dont les plus cheres voluptés conſiſtent à jouir des douleurs ou de la mort des malheureuſes victimes qu’on leur procure à force d’argent, & que je courais riſque d’y perdre la vie.

En cet inſtant on frappe à la porte ; la Dubois ſort, & ramene auſſitôt la jeune Lyonnaiſe dont elle venait de parler.

I 3