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me jettent précipitamment dans une voiture, y montent avec moi, & nous fendons les airs pendant trois grandes heures, ſans qu’aucun de ces brigands daignât ni me dire une parole, ni répondre à aucune de mes queſtions. Les ſtores étaient baiſſés, je ne voyais rien : la voiture arrive près d’une maiſon, des portes s’ouvrent pour la recevoir, & ſe referment auſſitôt. Mes guides m’emportent, me font traverſer ainſi pluſieurs appartemens très-ſombres, & me laiſſent enfin dans un, près du quel eſt une pièce où j’aperçois de la lumiere. — Reſte-là, me dit un de mes raviſſeurs en ſe retirant avec ſes camarades, tu vas bientôt voir des gens de connaiſſance ; & ils diſparaiſſent, refermant avec ſoin toutes les portes. Preſqu’en même temps, celle de la chambre où j’apercevais de la clarté s’ouvre, & j’en vois ſortir, une bougie à la main … oh, Madame, devinez qui ce pouvait être… la Dubois… la Dubois elle-même, ce monſtre épouvantable dévoré ſans doute du plus ardent déſir de la vengeance. — Venez, charmante fille, me dit-elle arrogamment, venez recevoir la récompenſe des vertus où vous vous êtes livrée à mes dépens… & me ſerrant la main avec colere… ah ! ſcélérate, je t’apprendrai à me trahir ! — Non, non, Madame, lui dis-je précipitamment, non, je ne vous ai point trahie : informez-vous, je n’ai pas fait la moindre plainte qui puiſſe vous donner de l’in-