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d’affreux vomiſſemens le ſurprennent ; je le fais auſſitôt remettre dans la voiture, & nous revolons en hâte à la ville. Dubreuil eſt ſi mal qu’il faut le porter dans ſa chambre ; ſon état ſurprend ſon aſſocié que nous y trouvons, & qui, ſelon ſes ordres, n’en était pas ſorti ; un médecin arrive, juſte Ciel ! Dubreuil eſt empoiſonné ! À peine apprends-je cette fatale nouvelle, que je cours à l’appartement de la Dubois ; l’infâme ! elle était partie ; je paſſe chez moi, mon armoire eſt forcée, le peu d’argent & de hardes que je poſſede eſt enlevé ; la Dubois, m’aſſure-t-on, court depuis trois heures du côté de Turin. Il n’était pas douteux qu’elle ne fût l’auteur de cette multitude de crimes ; elle s’était préſentée chez Dubreuil ; piquée d’y trouver du monde, elle s’était vengée ſur moi, & elle avait empoiſonné Dubreuil, en dînant, pour qu’au retour, ſi elle avait réuſſi à le voler, ce malheureux jeune-homme, plus occupé de ſa vie que de pourſuivre celle qui dérobait ſa fortune, la laiſſât fuir en ſûreté, & pour que l’accident de ſa mort arrivant pour-ainſi-dire dans mes bras, je puſſe en être plus vraiſemblablement ſoupçonnée qu’elle ; rien ne nous apprit ſes combinaiſons, mais était-il poſſible qu’elles fuſſent différentes ?

Je revolai chez Dubreuil ; on ne me laiſſe plus approcher de lui ; je me plains de ces refus, on m’en dit la cauſe. Le malheureux expire, & ne s’occupe plus que de Dieu. Cependant il m’a diſculpée,