jours la Vertu ; qu’un court inſtant de proſpérité
ne t’aveugle pas à ce point. Il eſt égal au
maintien des loix de la Providence que Paul ſuive
le mal, pendant que Pierre ſe livre au bien ; il
faut à la Nature une ſomme égale de l’un & de
l’autre, & l’exercice du crime plutôt que celui
de la vertu eſt la choſe du monde qui lui eſt le
plus indifférente ; écoute, Théreſe, écoute-moi
avec un peu d’attention, continua cette corruptrice
en s’aſſeyant & me faiſant placer à ſes côtés ;
tu as de l’eſprit, mon enfant, & je voudrois
enfin te convaincre.
Ce n’eſt pas le choix que l’homme fait de la Vertu, qui lui fait trouver le bonheur, chere fille, car la vertu n’eſt, comme le vice, qu’une des manieres de ſe conduire dans le monde ; il ne s’agit donc pas de ſuivre plutôt l’un que l’autre ; il n’eſt queſtion que de marcher dans la route générale ; celui qui s’en écarte a toujours tort ; dans un monde entierement vertueux, je te conſeillerais la vertu, parce que les récompenſes y étant attachées, le bonheur y tiendrait infailliblement : dans un monde totalement corrompu, je ne te conſeillerai jamais que le vice. Celui qui ne ſuit pas la route des autres, périt inévitablement ; tout ce qu’il rencontre le heurte, & comme il eſt le plus faible, il faut néceſſairement qu’il ſoit briſé. C’eſt envain que les loix veulent rétablir l’ordre & ramener les hom-