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la Nature orna l’autel où notre eſpece ſe régénere ; il y mit le feu & la brûla. Ses doigts ſaiſirent l’excroiſſance de chair qui couronne ce même autel, il le froiſſa rudement, il introduiſit de-là ſes doigts dans l’intérieur, & ſes ongles moleſtaient la membrane qui le tapiſſe. Ne ſe contenant plus, il me dit que puiſqu’il me tenait dans ſon repaire, il valait tout autant que je n’en ſortiſſe plus, que cela lui éviterait la peine de m’y redeſcendre ; je me précipitai à ſes genoux, j’oſai lui rappeler encore les ſervices que je lui avais rendus… Je m’aperçus que je l’irritais davantage en reparlant des droits que je me ſuppoſais à ſa pitié ; il me dit de me taire, en me renverſant ſur le carreau d’un coup de genou appuyé de toute ſa force dans le creux de mon eſtomac. — Allons ! me dit-il, en me relevant par les cheveux, allons ! prépare-toi, il eſt certain que je vais t’immoler… — Oh Monſieur ! — Non, non, il faut que tu périſſes ; je ne veux plus m’entendre reprocher tes petits bienfaits ; j’aime à ne rien devoir à perſonne, c’eſt aux autres à tenir tout de moi… Tu vas mourir, te dis-je, place-toi dans ce cercueil, que je voie ſi tu pourras y tenir. Il m’y porte, il m’y enferme, puis ſort du caveau, & fait ſemblant de me laiſſer là. Je ne m’étais jamais crue ſi près de la mort ; hélas ! elle allait pourtant s’offrir à moi ſous un aſpect encore plus réel. Roland

revient ;