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paſſionnément, qui s’eſt vouée à ma ſolitude, & qui la partage avec moi : j’ai beſoin d’un ſujet pour la ſervir ; nous venons de perdre celle qui rempliſſait cet emploi, je vous offre ſa place. Je remerciai mon protecteur, & pris la liberté de lui demander par quel haſard un homme comme lui s’expoſait à voyager ſans ſuite, & ainſi que cela venait de lui arriver, à être moleſté par des fripons. — Un peu replet, jeune & vigoureux, je ſuis depuis pluſieurs années, me dit Roland, dans l’habitude de venir de chez moi à Vienne de cette maniere. Ma ſanté & ma bourſe y gagnent : ce n’eſt pas que je ſois dans le cas de prendre garde à la dépenſe, car je ſuis riche ; vous en verrez bientôt la preuve, ſi vous me faites l’amitié de venir chez moi ; mais l’économie ne gâte jamais rien. Quant aux deux hommes qui viennent de m’inſulter, ce ſont deux gentillâtres du canton, à qui je gagnai cent louis la ſemaine paſſée, dans une maiſon à Vienne ; je me contentai de leur parole, je les rencontre aujourd’hui, je leur demande mon dû, & voilà comme ils me traitent.

Je déplorais avec cet homme le double malheur dont il était victime, lorſqu’il me propoſa de nous remettre en route : je me ſens un peu mieux, grâce à vos ſoins, me dit Roland ; la nuit s’approche, gagnons une maiſon qui doit être à deux lieues d’ici ; moyennant les chevaux que nous y