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cité ſuprême eſt de travailler à celle des autres.

Phœbus que tout cela, Théreſe ; les jouiſſances de l’homme ſont en raiſon de la ſorte d’organes qu’il a reçus de la Nature ; celles de l’individu faible, & par conſéquent de toutes les femmes, doivent porter à des voluptés morales, plus piquantes, pour de tels êtres, que celles qui n’influeraient que ſur un phyſique entiérement dénué d’énergie : le contraire eſt l’hiſtoire des ames fortes, qui, bien mieux délectées des chocs vigoureux imprimés ſur ce qui les entoure, qu’elles ne le ſeraient des impreſſions délicates reſſenties par ces mêmes êtres exiſtans auprès d’eux, préferent inévitablement, d’après cette conſtitution, ce qui affecte les autres en ſens douloureux, à ce qui ne toucherait que d’une maniere plus douce : telle eſt l’unique différence des gens cruels aux gens débonnaires ; les uns & les autres ſont doués de ſenſibilité, mais ils le ſont chacun à leur maniere. Je ne nie pas qu’il n’y ait des jouiſſances dans l’une & l’autre claſſe, mais je ſoutiens avec beaucoup de philoſophes, ſans doute, que celles de l’individu organiſé de la maniere la plus vigoureuſe, ſeront inconteſtablement plus vives que toutes celles de ſon adverſaire ; & ces ſyſtêmes établis, il peut & il doit ſe trouver une ſorte d’hommes qui trouve autant de plaiſir dans tout ce qu’inſpire la cruauté, que les autres en goûtent dans la bienfaiſance ; mais ceux-ci ſeront des plaiſirs