ces ne nous donnent pas d’exemples d’une barbarie
ſemblable. — Tu te trompes, Théreſe, il n’y a
pas de fourberies que le loup n’invente pour attirer
l’agneau dans ſes piéges : ces ruſes ſont dans la
Nature, & la bienfaiſance n’y eſt pas : elle n’eſt
qu’un caractere de la faibleſſe préconiſé par l’eſclave
pour attendrir ſon maître & le diſpoſer à
plus de douceur ; elle ne s’annonce jamais chez
l’homme que dans deux cas, ou s’il eſt le plus faible,
ou s’il craint de le devenir ; la preuve que
cette prétendue vertu n’eſt pas dans la Nature, c’eſt
qu’elle eſt ignorée de l’homme le plus rapproché
d’elle. Le ſauvage, en la mépriſant, tue ſans pitié
ſon ſemblable, ou par vengeance ou par avidité…
ne la reſpecterait-il pas cette vertu, ſi elle était
écrite dans ſon cœur ? mais elle n’y parut jamais,
jamais elle ne ſe trouvera par-tout où les hommes
ſeront égaux. La civiliſation, en épurant les individus,
en diſtinguant des rangs, en offrant un
pauvre aux yeux du riche, en faiſant craindre
à celui-ci une variation d’état qui pouvait le précipiter
dans le néant de l’autre, mit auſſitôt dans ſon
eſprit le déſir de ſoulager l’infortuné pour être
ſoulagé à ſon tour, s’il perdait ſes richeſſes ; alors
naquit la bienfaiſance, fruit de la civiliſation &
de la crainte : elle n’eſt donc qu’une vertu de circonſtances,
mais nullement un ſentiment de la Nature
qui ne plaça jamais dans nous d’autre déſir que
celui de nous ſatisfaire, à quelque prix que ce pût
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