Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
( 49 )


n’avait pas pour moi de bonnes intentions, me diſais-je, ſerait-il vraiſemblable qu’il m’écrivît, qu’il me fît parler de cette maniere ? Il a des remords de ſes infamies paſſées, il ſe rappelle avec effroi de m’avoir arraché ce que j’avais de plus cher, & de m’avoir réduite, par l’enchaînement de ſes horreurs, au plus cruel état où puiſſe être une femme… Oui, oui, n’en doutons pas, ce ſont des remords, je ſerais coupable envers l’Être-Suprême ſi je ne me prêtais à les appaiſer. Suis-je en ſituation d’ailleurs de rejetter l’appui qui ſe préſente ? Ne dois-je pas bien plutôt ſaiſir avec empreſſement tout ce qui s’offre pour me ſoulager ? C’eſt dans ſon hôtel que cet homme veut me voir : ſa fortune doit l’entourer de gens devant leſquels il ſe reſpectera trop pour oſer me manquer encore, & dans l’état où je ſuis, grand Dieu ! puis-je inſpirer autre choſe que de la commiſération ? J’aſſurai donc le laquais de Saint-Florent que le lendemain, ſur les onze heures, j’aurais l’avantage d’aller ſaluer ſon maître ; que je le félicitais des faveurs qu’il avait reçues de la fortune, & qu’il s’en fallait bien qu’elle m’eût traitée comme lui.

Je rentrai chez moi, mais ſi occupée de ce que voulait me dire cet homme, que je ne fermai pas l’œil de la nuit : j’arrive enfin à l’adreſſe indiquée, un hôtel ſuperbe, une foule de valets, les regards humilians de cette riche canaille ſur l’in-

  Tome II.
D