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nage que j’allais retrouver devait me dépiter & me ſurprendre plus qu’aucune autre, ſans doute, puiſque c’était celle d’un des hommes dont j’avais reçu les plus ſanglans outrages. Je ne m’occupais que de mon départ, lorſque je reçus un ſoir un billet qui me fut rendu par un laquais vêtu de gris, abſolument inconnu de moi ; en me le remettant il me dit qu’il était chargé de la part de ſon maître d’obtenir ſans faute une réponſe de moi. Tels étaient les mots de ce billet.

« Un homme qui a quelques torts avec vous, qui croit vous avoir reconnue dans la place de Bellecour, brûle de vous voir, & de réparer ſa conduite : hâtez-vous de le venir trouver ; il a des choſes à vous apprendre, qui peut-être l’acquitteront de tout ce qu’il vous doit ».

Ce billet n’était point ſigné, & le laquais ne s’expliquait pas. Lui ayant déclaré que j’étais décidée à ne point répondre que je ne ſçuſſe quel était ſon maître : — c’eſt M. de Saint-Florent, Mademoiſelle, me dit-il ; il a eu l’honneur de vous connaître autrefois aux environs de Paris, vous lui avez, prétend-il, rendu des ſervices dont il brûle de s’acquitter. Maintenant à la tête du commerce de cette ville, il y jouit à-la-fois d’une conſidération & d’un bien qui le mettent à même de vous prouver ſa reconnaiſſance. Il vous attend.

Mes réflexions furent bientôt faites. Si cet homme

n’avait