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lui laiſſe des droits, bas & rempant ſi on le captive ; mais toujours faux, toujours méchant, toujours dangereux ; une créature ſi perverſe enfin, qu’il fut très-ſérieuſement agité dans le Concile de Mâcon, pendant pluſieurs ſéances, ſi cet individu bizarre, auſſi diſtinct de l’homme, que l’eſt de l’homme le ſinge des bois, pouvait prétendre au titre de créature humaine, & ſi l’on pouvait raiſonnablement le lui accorder ; mais ceci ſeroit-il une erreur du ſiecle, & la femme eſt-elle mieux vue chez ceux qui précéderent ? Les Perſes, les Mèdes, les Babyloniens, les Grecs, les Romains, honoraient-ils ce ſexe odieux dont nous oſons aujourd’hui faire notre idole ? Hélas ! je le vois opprimé par-tout, par-tout rigoureuſement éloigné des affaires, par-tout mépriſé, avili, enfermé ; les femmes, en un mot, par-tout traitées comme des bêtes dont on ſe ſert à l’inſtant du beſoin, & qu’on recele auſſitôt dans le bercail. M’arrêté-je un moment à Rome, j’entends Caton le Sage, me crier du ſein de l’ancienne Capitale du Monde : Si les hommes étaient ſans femmes, ils converſeraient encore avec les Dieux. J’entends un Cenſeur Romain commencer ſa harangue par ces mots : Meſſieurs, s’il nous était possible de vivre ſans femme, nous connaîtrions dès-lors le vrai bonheur. J’entends les Poëtes chanter ſur les théâtres de la Grèce : Ô Jupiter ! quelle raiſon put t’obliger de créer les femmes, ne pouvais-tu donner