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eſt donc prouvé que les deux ſexes ne ſe conviennent point-du-tout mutuellement, & qu’il n’eſt pas une plainte fondée, faite par l’un qui ne convienne auſſitôt à l’autre, il eſt donc faux, de ce moment-là, que la Nature les ait créés pour leur réciproque bonheur. Elle peut leur avoir permis le déſir de ſe rapprocher pour concourir au but de la propagation, mais nullement celui de se lier à deſſein de trouver leur félicité l’un dans l’autre. Le plus faible n’ayant donc aucun titre à réclamer pour obtenir la pitié du plus fort, ne pouvant plus lui oppoſer qu’il peut trouver ſon bonheur en lui, n’a plus d’autre parti que la ſoumiſſion ; & comme malgré la difficulté de ce bonheur mutuel, il eſt dans les individus de l’un & de l’autre ſexe de ne travailler qu’à ſe la procurer, le plus faible doit réunir ſur lui, par cette ſoumiſſion, la ſeule doſe de félicité qu’il lui ſoit poſſible de recueillir, & le plus fort doit travailler à la ſienne, par telle voie d’oppreſſion qu’il lui plaira d’employer, puiſqu’il eſt prouvé que le ſeul bonheur de la force eſt dans l’exercice des facultés du fort, c’eſt-à-dire, dans la plus complette oppreſſion ; ainſi, ce bonheur que les deux ſexes ne peuvent trouver l’un avec l’autre, ils le trouveront, l’un par ſon obéiſſance aveugle, l’autre par la plus entiere énergie de ſa domination. Eh ! ſi ce n’était pas l’intention de la Nature