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deux de ſes femmes, dont les manœuvres ont été découvertes aſſez à tems pour en rompre le ſuccès : elle a été la cauſe de la perte de ces deux malheureuſes, elle s’en repent aujourd’hui, & reconnoiſſant l’invariabilité de ſon ſort, elle prend ſon parti, & promet de ne plus chercher à ſéduire les gens dont je l’entourerai. Mais ce ſecret, ce que l’on devient, ſi l’on me trahit, tout cela, Théreſe, m’engage à ne placer près d’elle que des perſonnes enlevées comme vous l’avez été, afin d’éviter par-là les pourſuites. Ne vous ayant priſe chez perſonne, n’ayant à répondre de vous à qui que ce ſoit, je ſuis plus à même de vous punir, ſi vous le méritez, d’une maniere qui, quoiqu’elle vous raviſſe le jour, ne puiſſe néanmoins m’attirer à moi, ni recherches, ni aucune ſorte de mauvaiſes affaires. De ce moment, vous n’êtes donc plus de ce monde, puiſque vous en pouvez diſparaître au plus léger acte de ma volonté : tel eſt votre ſort, mon enfant, vous le voyez ; heureuſe ſi vous vous conduiſez bien, morte ſi vous cherchiez à me trahir. Dans tout autre cas, je vous demanderais votre réponſe : je n’en ai nul beſoin dans la ſituation où vous voilà ; je vous tiens, il faut m’obéir, Thérese… Paſſons chez ma femme.

N’ayant rien à objecter à un diſcours auſſi précis, je ſuivis mon maître : nous traverſames une longue galerie, auſſi ſombre, auſſi ſolitaire que