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ſix pieds, vis-à-vis de moi. Le léger vêtement dont il eſt couvert ſe déploye bientôt : Zéphire ſe met à genoux entre ſes jambes, il le ſuce ; & Narciſſe, les deux pieds ſur le fauteuil de ſon maître, lui préſente à téter le même objet qu’il offre lui-même à pomper à l’autre. Gernande empoignait les reins de Zéphire, il le ſerrait, il le comprimait contre lui, mais le quittait néanmoins pour jetter des yeux enflammés ſur moi. Cependant mon ſang s’échappait à grands flots, & retombait dans deux jattes blanches placées au-deſſous de mes bras. Je me ſentis bientôt affoiblir ; Monſieur, Monſieur, m’écriai-je : ayez pitié de moi, je m’évanouis ; & je chancelai ; arrêtée par les rubans, je ne pus tomber ; mais mes bras variant, & ma tête flottant ſur mes épaules, mon viſage fut inondé de ſang. Le Comte était dans l’ivreſſe… Je ne vis pourtant pas la fin de ſon opération, je m’évanouis avant qu’il ne touchât au but ; peut-être ne devait-il l’atteindre qu’en me voyant dans cet état, peut-être ſon extaſe ſuprême dépendait-elle de ce tableau de mort ? Quoi qu’il en fut, quand je repris mes ſens, je me trouvai dans un excellent lit, & deux vieilles femmes auprès de moi. Dès qu’elles me virent les yeux ouverts, elles me préſenterent un bouillon, & de trois heures en trois heures d’excellens potages juſqu’au ſurlendemain. À cette époque, M. de Gernande me fit dire de me