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heures Sévérino remonta lui-même. — Allons, dit-il bruſquement à Omphale, es-tu prête ? — Oui, mon pere, répondit-elle en ſanglottant ; permettez que j’embraſſe mes compagnes. — Cela eſt inutile, dit le Moine ; nous n’avons pas le temps de faire une ſcène de pleurs ; on nous attend, partons. Alors elle demanda s’il fallait qu’elle emportât ſes hardes. — Non, dit le Supérieur, tout n’eſt-il pas de la maiſon ? Vous n’avez plus beſoin de cela ; puis ſe reprenant, comme quelqu’un qui en a trop dit : — ces hardes vous deviennent inutiles, vous en ferez faire ſur votre taille, qui vous iront mieux ; contentez-vous donc d’emporter ſeulement ce que vous avez ſur vous. Je demandai au Moine s’il voulait me permettre d’accompagner Omphale ſeulement juſqu’à la porte de la maiſon,… il me répondit par un regard qui me fit reculer d’effroi… Omphale ſort, elle jette ſur nous des yeux remplis d’inquiétude & de larmes, & dès qu’elle eſt dehors, je me précipite ſur mon lit, au déſeſpoir.

Accoutumées à ces événemens, ou s’aveuglant ſur leurs ſuites, mes compagnes y prirent moins de part que moi, & le Supérieur rentra au bout d’une heure ; il venait prendre celles du ſouper, j’en étais, il ne devait y avoir que quatre femmes, la fille de douze ans, celle de ſeize, celle de vingt-trois & moi. Tout ſe paſſa à-peu-près comme les autres jours ; je remarquai ſeulement que les