Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 259 )


ceſſe. Si le crime eſt léger en différant moins de la vertu, il établira plus lentement l’équilibre indiſpenſable à la Nature ; mais plus il eſt capital, plus il égaliſe les poids, plus il balance l’empire de la Vertu qui détruirait tout ſans cela. Qu’il ceſſe donc de s’effrayer celui qui médite un forfait, ou celui qui vient de le commettre, plus ſon crime aura d’étendue, mieux il aura ſervi la Nature.

Ces épouvantables ſyſtêmes ramenerent bientôt mes idées aux ſentimens d’Omphale ſur la maniere dont nous ſortions de cette affreuſe maiſon. Ce fut donc dès-lors que j’adoptai les projets que vous me verrez exécuter dans la ſuite. Néanmoins pour achever de m’éclaircir, je ne pus m’empêcher de faire encore quelques queſtions au pere Clément ; au moins, lui dis-je, vous ne gardez pas éternellement les malheureuſes victimes de vos paſſions, vous les renvoyez ſans doute quand vous en êtes las. — Aſſurément, Théreſe, me répondit le Moine, tu n’es entrée dans cette maiſon que pour en ſortir, quand nous ſerons convenus tous les quatre de t’accorder ta retraite. Tu l’auras très-certainement. — Mais ne craignez-vous pas, continuai-je, que des filles plus jeunes & moins diſcretes n’aillent quelquefois révéler ce qui s’eſt fait chez vous ? — C’eſt impoſſible. — Impoſſible ? — Abſolument. — Pourriez-vous m’expliquer…? — Non c’eſt là notre ſecret,