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loups, le fort qui ſacrifie le faible, le faible la victime du fort, voilà la Nature, voilà ſes vues, voilà ſes plans ; une action & une réaction perpétuelles, une foule de vices & de vertus, un parfait équilibre en un mot réſultant de l’égalité du bien & du mal ſur la terre ; équilibre eſſentiel au maintien des aſtres, à la végétation, & ſans lequel tout ſerait à l’inſtant détruit. Ô Théreſe, elle ſerait bien étonnée cette Nature, ſi elle pouvait un inſtant raiſonner avec nous, & que nous lui diſions que ces crimes qui la ſervent, que ces forfaits qu’elle exige & qu’elle nous inſpire, ſont punis par des loix qu’on nous aſſure être l’image des ſiennes. Imbécilles, nous répondrait-elle, dors, bois, mange & commets ſans peur de tels crimes quand bon te ſemblera : toutes ces prétendues infamies me plaiſent, & je les veux puiſque je te les inſpire. Il t’appartient bien de régler ce qui m’irrite, ou ce qui me délecte ; apprends que tu n’as rien dans toi qui ne m’appartienne, rien que je n’y ai placé par des raiſons qu’il ne te convient pas de connaître ; que la plus abominable de tes actions, n’eſt comme la plus vertueuſe d’un autre, qu’une des manieres de me ſervir. Ne te contiens donc point, nargue tes loix, tes conventions ſociales & tes Dieux ; n’écoute que moi ſeule, & crois que s’il exiſte un crime à mes regards, c’eſt l’oppoſition que tu mettrais à ce que je t’inſpire, par ta réſiſtance ou par tes ſophiſ-