Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 252 )


actions par de bons principes, & cela, parce que l’univers eſt plein de ſtatues organiſées qui vont, qui viennent, qui agiſſent, qui mangent, qui digerent, ſans jamais ſe rendre compte de rien.

Les plaiſirs iſolés, démontrés auſſi délicieux que les autres, & beaucoup plus aſſurément, il devient donc tout ſimple alors que cette jouiſſance priſe indépendamment de l’objet qui nous ſert, ſoit non-ſeulement très-éloignée de ce qui peut lui plaire, mais même ſe trouve contraire à ſes plaiſirs : je vais plus loin, elle peut devenir une douleur impoſée, une vexation, un ſupplice, ſans qu’il y ait rien d’extraordinaire, ſans qu’il en réſulte autre choſe qu’un accroiſſement de plaiſir bien plus sûr pour le deſpote qui tourmente ou qui vexe ; eſſayons de le démontrer.

L’émotion de la volupté n’eſt autre ſur notre ame qu’une eſpece de vibration produite, au moyen des ſecouſſes que l’imagination enflammée par le ſouvenir d’un objet lubrique, fait éprouver à nos ſens, ou au moyen de la préſence de cet objet, ou mieux encore par l’irritation que reſſent cet objet dans le genre qui nous émeut le plus fortement ; ainſi notre volupté, ce chatouillement inexprimable qui nous égare, qui nous tranſporte au plus haut point de bonheur où puiſſe arriver l’homme, ne s’allumera jamais que par deux cauſes, ou qu’en apercevant réellement ou fictivement dans l’objet qui nous ſert, l’eſpece de beauté qui