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impoſſible qu’on partage ce qu’ils éprouvent, en ont-ils moins de volupté ? Déſirent-ils ſeulement l’illuſion ? Entierement égoïſtes dans leurs plaiſirs, vous ne les voyez occupés que d’en prendre, tout ſacrifier pour en recevoir, & ne ſoupçonner jamais dans l’objet qui leur ſert, d’autres propriétés, que des propriétés paſſives. Il n’eſt donc nullement néceſſaire de donner des plaiſirs pour en recevoir, la ſituation heureuſe ou malheureuſe de la victime de notre débauche, eſt donc abſolument égale à la ſatisfaction de nos ſens, il n’eſt nullement queſtion de l’état où peut être ſon cœur & ſon eſprit ; cet objet peut indifféremment ſe plaire ou ſouffrir à ce que vous lui faites, vous aimer ou vous déteſter : toutes ces conſidérations ſont nulles dès qu’il ne s’agit que des ſens. Les femmes, j’en conviens, peuvent établir des maximes contraires, mais les femmes qui ne ſont que les machines de la volupté, qui ne doivent en être que les plaſtrons, ſont récuſables toutes les fois qu’il faut établir un ſyſtême réel ſur cette ſorte de plaiſir. Y a-t-il un ſeul homme raiſonnable qui ſoit envieux de faire partager ſa jouiſſance à des filles de joie ? Et n’y a-t-il pas des millions d’hommes qui prennent pourtant de grands plaiſirs avec ces créatures ? Ce ſont donc autant d’individus perſuadés de ce que j’établis, qui le mettent en pratique, ſans s’en douter, & qui blâment ridiculement ceux qui légitiment leurs

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