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vos peines ou de vos récompenſes. Pourſuivons ; les goûts cruels t’étonnent !

Quel eſt l’objet de l’homme qui jouit, n’eſt-il pas de donner à ſes ſens toute l’irritation dont ils ſont ſuſceptibles, afin d’arriver mieux & plus chaudement, au moyen de cela, à la derniere criſe… criſe précieuſe qui caractériſe la jouiſſance de bonne ou mauvaiſe, en raiſon du plus ou moins d’activité dont s’eſt trouvée cette criſe ? Or, n’eſt-ce pas un ſophiſme inſoutenable que d’oſer dire qu’il eſt néceſſaire, pour l’améliorer, qu’elle ſoit partagée de la femme ? N’eſt-il donc pas viſible que la femme ne peut rien partager avec nous ſans nous prendre, & que tout ce qu’elle nous dérobe doit néceſſairement être à nos dépens ? Et de quelle néceſſité eſt-il donc, je le demande, qu’une femme jouiſſe quand nous jouiſſons ; y a-t-il dans ce procédé un autre ſentiment que l’orgueil qui puiſſe être flatté ? Et ne retrouvez-vous pas d’une maniere bien plus piquante la ſenſation de ce ſentiment orgueilleux, en contraignant au contraire avec dureté cette femme à ceſſer de jouir afin de vous faire jouir ſeul, afin que rien ne l’empêche de s’occuper de votre jouiſſance. La tyrannie ne flatte-t-elle pas l’orgueil d’une maniere bien plus vive que la bienfaiſance ? Celui qui impoſe en un mot, n’eſt-il pas le maître bien plus ſûrement que celui qui partage ? Mais comment put-il venir dans la tête

d’un