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toi, ne portent que l’emblême de la férocité ; analyſons l’un & l’autre de ces goûts, & tâchons, s’il ſe peut, de te convaincre qu’il n’eſt rien au monde de plus ſimple que les plaiſirs qui en réſultent.

Il eſt, prétends-tu, ſingulier que des choſes ſales & crapuleuſes puiſſent produire dans nos ſens l’irritation eſſentielle au complement de leur délire ; mais avant que de s’étonner de cela, il faudrait ſentir, chere Théreſe, que les objets n’ont de prix à nos yeux que celui qu’y met notre imagination ; il eſt donc très-poſſible, d’après cette vérité conſtante, que non-ſeulement les choſes les plus bizarres, mais même les plus viles & les plus affreuſes, puiſſent nous affecter très-ſenſiblement. L’imagination de l’homme eſt une faculté de ſon eſprit où vont, par l’organe des ſens, ſe peindre, ſe modifier les objets & ſe former enſuite ſes penſées, en raiſon du premier apperçu de ces objets. Mais cette imagination réſultative elle-même de l’eſpece d’organiſation dont eſt doué l’homme, n’adopte les objets reçus que de telle ou telle maniere, & ne crée enſuite les penſées que d’après les effets produits par le choc des objets apperçus : qu’une comparaiſon facilite à tes yeux ce que j’expoſe. N’as-tu pas vu, Théreſe, des miroirs de formes différentes, quelques-uns qui diminuent les objets, d’autres qui les groſſiſſent ; ceux-ci qui les rendent affreux ; ceux-