Oui, vous me voyez dans une poſition bien affligeante
pour une jeune fille ; j’ai perdu mon
pere & ma mere… Le Ciel me les enleve à
l’âge où j’avais le plus beſoin de leur ſecours…
Ils ſont morts ruinés, Monſieur ; nous n’avons
plus rien. — Voilà tout ce qu’ils m’ont laiſſé,
continua-t-elle, en montrant ſes douze louis…
& pas un coin pour repoſer ma pauvre tête…
Vous aurez pitié de moi n’eſt-ce pas, Monſieur ?
Vous êtes le Ministre de la Religion, & la Religion
fut toujours la vertu de mon cœur ; au nom
de ce Dieu que j’adore & dont vous êtes l’organe,
dites-moi, comme un ſecond pere, ce qu’il faut
que je fasse… ce qu’il faut que je devienne ?
Le charitable Prêtre répondit en lorgnant Juſtine,
que la Paroiſſe était bien chargée ; qu’il était
difficile qu’elle pût embraſſer de nouvelles aumônes,
mais que ſi Juſtine voulait le ſervir, que ſi elle
voulait faire le gros ouvrage, il y aurait toujours
dans ſa cuiſine un morceau de pain pour elle. Et,
comme en diſant cela, l’interprète des Dieux lui
avait paſſé la main ſous le menton, en lui donnant
un baiſer beaucoup trop mondain pour un homme
d’Égliſe, Juſtine qui ne l’avait que trop compris,
le repouſſa en lui diſant : « Monſieur, je ne vous
demande ni l’aumône ni une place de ſervante ;
il y a trop peu de temps que je quitte un état
au-deſſus de celui qui peut faire déſirer ces deux
graces, pour être réduite à les implorer ; je
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