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chaque année, mais il faut rendre ce que nous apportons ; il ne nous eſt pas permis d’en garder la moindre choſe : les plaintes des quatre freres dont je t’ai parlé ſont écoutées comme celles de la Doyenne ; nous ſommes punies ſur leur ſimple délation, mais ils ne nous demandent rien au moins, & il n’y a pas tant à craindre qu’avec les Doyennes très-exigeantes & très-dangereuſes quand le caprice ou la vengeance dirige leurs procédés. Notre nourriture eſt fort-bonne & toujours en très-grande abondance ; s’ils ne recueillaient de-là des branches de volupté, peut-être cet article n’irait-il pas auſſi bien, mais comme leurs ſales débauches y gagnent, ils ne négligent rien pour nous gorger de nourriture : ceux qui aiment à nous fouetter, nous ont plus dodues, plus graſſes, & ceux qui, comme te diſait Jérôme hier, aiment à voir pondre la poule, ſont ſûrs au moyen d’une abondante nourriture, d’une plus grande quantité d’œufs. En conſéquence nous ſommes ſervies quatre fois le jour ; on nous donne à déjeuner, entre neuf & dix heures, toujours une volaille aux riz, des fruits cruds ou des compotes, du thé, du café, ou du chocolat ; à une heure on ſert le dîner ; chaque table de huit eſt ſervie de même ; un très-bon potage, quatre entrées, un plat de rôti, & quatre entremets ; du deſſert en toute ſaiſon. À cinq heures & demie on ſert le goûter ; des pâtiſſeries, ou des fruits ; le ſouper eſt excellent ſans