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mettent, & dans cette apathie criminelle, leurs abominables paſſions le trouvent d’autant plus voluptueuſement chatouillées, que rien, diſent-ils, ne les enflamme comme la ſolitude & le ſilence, comme la faibleſſe d’une part & l’impunité de l’autre. Les Moines couchent régulierement toutes les nuits dans ce pavillon, ils s’y rendent à cinq heures du ſoir, & retournent au Couvent le lendemain matin ſur les neuf heures, excepté un qui tour-à-tour paſſe ici la journée, on l’appelle le Régent de garde. Nous verrons bientôt ſon emploi. Pour les quatre freres, ils ne bougent jamais, nous avons dans chaque chambre une ſonnette qui communique dans la cellule du geolier ; la Doyenne ſeule a le droit de la ſonner, mais lorſqu’elle le fait en raiſon de ſes beſoins, ou des nôtres, on accourt à l’inſtant ; les peres apportent en revenant, chaque jour, eux-mêmes les proviſions néceſſaires, & les remettent au cuiſinier qui les employe d’après leurs ordres ; il y a une fontaine dans les ſouterrains, & des vins de toute eſpece & en abondance dans les caves. Paſſons au ſecond article, ce qui tient à la tenue des filles, à leur nourriture, à leur punition, &c.

» Notre nombre eſt toujours égal ; les arrangemens ſont pris de maniere à ce que nous ſoyions toujours ſeize, huit dans chaque chambre ; & comme tu vois toujours dans l’uniforme de nos claſſes ; la journée ne ſe paſſera pas, ſans qu’on te