Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 182 )


fait voir le ſpectre de la mort balançant ſa faulx ſur ma tête ; mes genoux fléchiſſent… Ici le langage du Moine change tout-à-coup, il me ſoutient, en m’invectivant ; — Catin, me dit-il, il faut marcher ; n’eſſaye ici ni plainte, ni réſiſtance, tout ſerait inutile. Ces cruels mots me rendent mes forces, je ſens que je ſuis perdue, ſi je faiblis, je me releve… Ô Ciel ! dis-je à ce traitre, faudra-t-il donc que je ſois encore la victime de mes bons ſentimens, & que le déſir de m’approcher de ce que la Religion a de plus reſpectable, aille être encore puni comme un crime !… Nous continuons de marcher, & nous nous engageons dans des détours obſcurs dont rien ne peut me faire connaître ni le local, ni les iſſues ; Je précédais Dom Sévérino ; ſa reſpiration était preſſée, il prononçait des mots ſans ſuite ; on l’eût cru dans l’ivreſſe ; de temps en temps, il m’arrêtait du bras gauche enlacé autour de mon corps, tandis que ſa main droite, ſe gliſſant ſous mes jupes par derrière, parcourait avec impudence cette partie malhonnête qui, nous aſſimilant aux hommes, fait l’unique objet des hommages de ceux qui préférent ce ſexe en leurs honteux plaiſirs. Pluſieurs fois même la bouche de ce libertin oſe parcourir ces lieux, en leur plus ſecret réduit ; enſuite nous recommencions à marcher. Un eſcalier ſe préſente ; au bout de trente ou quarante marches, une porte s’ouvre, des reflets de lumière