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priſant les vains ſophiſmes des eſprits-forts, les croyant tous émanés du libertinage bien plus que d’une ferme perſuaſion, je leur oppoſais ma conſcience & mon cœur, & trouvais au moyen de l’un & de l’autre tout ce qu’il fallait pour y répondre. Souvent forcée par mes malheurs de négliger mes devoirs de piété, je réparais ces torts auſſitôt que j’en trouvais l’occaſion.

Je venais de partir d’Auxerre le ſept d’Août, je n’en oublierai jamais l’époque ; j’avais fait environ deux lieues, & la chaleur commençant à m’incommoder, je montai ſur une petite éminence couverte, d’un bouquet de bois, peu éloignée de la route, avec le deſſein de m’y rafraîchir & d’y ſommeiller une couple d’heures, à moins de frais que dans une auberge, & plus en ſûreté que ſur le grand chemin ; je m’établis au pied d’un chêne, & après un déjeûner frugal, je me livre aux douceurs du ſommeil. J’en avais joui long-temps avec tranquillité, lorſque mes yeux ſe r’ouvrant je me plais à contempler le payſage qui ſe préſente à moi dans le lointain. Du milieu d’une forêt, qui s’étendait à droite, je crus voir à près de trois ou quatre lieues de moi, un petit clocher s’élever modeſtement dans l’air… Aimable ſolitude, me dis-je, que ton ſéjour me fait envie, tu dois être l’aſyle de quelques douces & vertueuſes recluſes qui ne s’occupent que de Dieu… que de leurs devoirs ; ou de quelques ſaints Hermites