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Catin ſert à mes plaiſirs, il eſt temps qu’elle paye la ceſſation de mon ivreſſe par celle de ſon exiſtence.

Le repas finiſſait ; aux démarches de ces deux furieux, à leurs propos, à leurs actions, à leurs préparatifs, à leur état enfin qui tenait du délire, je vis bien qu’il n’y avait pas un moment à perdre & que l’époque de la deſtruction de cette malheureuſe Roſalie, était fixée à ce même ſoir. Je vole à la cave, réſolue de mourir ou de la délivrer. — Ô chere amie, lui criai-je, pas un moment à perdre… les monſtres… c’eſt pour ce ſoir… ils vont arriver… Et en diſant cela, je fais les plus violens efforts pour enfoncer la porte. Une de mes ſecouſſes fait tomber quelque choſe, j’y porte la main, c’eſt la clef, je la ramaſſe, je me hâte d’ouvrir… j’embraſſe Roſalie, je la preſſe de fuir, je lui réponds de ſuivre ſes pas, elle s’élance… Juſte Ciel ! il était encore dit que la Vertu devait ſuccomber, & que les ſentimens de la plus tendre commiſération allaient être durement punis ; Rodin & Rombeau éclairés par la gouvernante paraiſſent tout-à-coup ; le premier ſaiſit ſa fille au moment où elle franchit le ſeuil de la porte au-delà de laquelle elle n’avait plus que quelques pas à faire pour ſe trouver libre. — Où vas-tu, malheureuſe, s’écrie Rodin en l’arrêtant, pendant que Rombeau s’empare de moi… Ah ! continue-t-il en me regardant, c’eſt cette coquine qui favoriſait ta

fuite !