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femmes, je ſaurai les tenir à leur place en maintenant la tienne, & toi ſeule poſſederas ma confiance ſans qu’aucun riſque en réſulte pour toi. Mais pour continuer d’en être digne, il eſt bon que tu ſaches que la premiere qualité que j’exige de toi, Théreſe, eſt une diſcrétion à toute épreuve. Il ſe paſſe beaucoup de choſes ici, beaucoup qui contrarieront tes principes de vertu, il faut tout voir, mon enfant, tout entendre & ne jamais rien dire… Ah ! reſte avec moi, Théreſe, reſtes-y, mon enfant, je t’y garde avec joie ; au milieu de beaucoup de vices où m’emportent un tempérament de feu, un eſprit ſans frein & un cœur très-gâté, j’aurai du moins la conſolation d’avoir un être vertueux près de moi, & dans le ſein duquel je me jetterai comme aux pieds d’un Dieu, quand je ſerai raſſaſié de mes débauches… Oh ! Ciel, penſai-je en ce moment, la Vertu eſt donc néceſſaire, elle eſt donc indiſpenſable à l’homme, puiſque le vicieux lui-même eſt obligé de ſe raſſurer par elle, & de s’en ſervir comme d’abri. Me rappelant enſuite les inſtances que Roſalie m’avait faites pour ne la point quitter, & croyant reconnaître dans Rodin quelques bons principes, je m’engageai décidément chez lui. Théreſe, me dit Rodin, au bout de quelques jours, c’eſt auprès de ma fille que je vais te mettre ; de cette maniere, tu n’auras rien à démêler avec mes deux autres femmes, & je te donne trois cens livres de gages. Une