juſtice, j’écrivis une lettre auſſi touchante que
je le pus. Je lui cachai ſoigneuſement le lieu que
j’habitais, & le ſuppliai de me renvoyer mes hardes
avec le peu d’argent qui se trouvait à moi
dans ma chambre. Une payſanne de vingt-cinq
ans, vive & ſpirituelle ſe chargea de ma lettre &
me promit de faire aſſez d’informations ſous-main
pour me ſatisfaire à ſon retour ſur les différens
objets dont je lui laiſſai voir que l’éclairciſſement
m’était néceſſaire. Je lui recommandai, ſur toutes
choſes, de cacher le nom de l’endroit où j’étais,
de ne parler de moi en quoi que ce pût être, & de
dire qu’elle tenait la lettre d’un homme qui l’apportait
de plus de quinze lieues de là. Jeannette
partit & vingt-quatre heures après elle me rapporta
la réponſe ; elle exiſte encore, la voilà,
Madame, mais daignez avant que de la lire, apprendre
ce qui s’était paſſé chez le Comte depuis
que j’en étais dehors.
La Marquiſe de Bressac tombée dangereuſement malade, le jour même de ma ſortie du château, était morte le ſurlendemain dans des douleurs & dans des convulſions épouvantables ; les parens étaient accourus, & le neveu qui paraiſſait dans la plus grande déſolation prétendait que ſa tante avait été empoiſonnée par une femme-de-chambre qui s’était évadée le même jour. On faiſait des recherches, & l’intention était de faire périr cette malheureuſe ſi on la découvrait : au reſte, le Comte