Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
( 130 )


juſtice, j’écrivis une lettre auſſi touchante que je le pus. Je lui cachai ſoigneuſement le lieu que j’habitais, & le ſuppliai de me renvoyer mes hardes avec le peu d’argent qui se trouvait à moi dans ma chambre. Une payſanne de vingt-cinq ans, vive & ſpirituelle ſe chargea de ma lettre & me promit de faire aſſez d’informations ſous-main pour me ſatisfaire à ſon retour ſur les différens objets dont je lui laiſſai voir que l’éclairciſſement m’était néceſſaire. Je lui recommandai, ſur toutes choſes, de cacher le nom de l’endroit où j’étais, de ne parler de moi en quoi que ce pût être, & de dire qu’elle tenait la lettre d’un homme qui l’apportait de plus de quinze lieues de là. Jeannette partit & vingt-quatre heures après elle me rapporta la réponſe ; elle exiſte encore, la voilà, Madame, mais daignez avant que de la lire, apprendre ce qui s’était paſſé chez le Comte depuis que j’en étais dehors.

La Marquiſe de Bressac tombée dangereuſement malade, le jour même de ma ſortie du château, était morte le ſurlendemain dans des douleurs & dans des convulſions épouvantables ; les parens étaient accourus, & le neveu qui paraiſſait dans la plus grande déſolation prétendait que ſa tante avait été empoiſonnée par une femme-de-chambre qui s’était évadée le même jour. On faiſait des recherches, & l’intention était de faire périr cette malheureuſe ſi on la découvrait : au reſte, le Comte