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les inſtans. La première & la plus belle qualité de la Nature, eſt le mouvement qui l’agite ſans ceſſe, mais ce mouvement n’eſt qu’une ſuite perpétuelle de crimes, ce n’eſt que par des crimes qu’elle le conſerve : l’être qui lui reſſemble le mieux, & par conſéquent l’être le plus parfait, ſera donc néceſſairement celui, dont l’agitation la plus active deviendra la cauſe de beaucoup de crimes, tandis, je le répéte, que l’être inactif ou indolent, c’eſt-à-dire, l’être vertueux doit être à ſes regards le moins parfait ſans doute, puiſqu’il ne tend qu’à l’apathie, qu’à la tranquillité qui replongerait inceſſamment tout dans le chaos, ſi ſon aſcendant l’emportait. Il faut que l’équilibre ſe conſerve ; il ne peut l’être que par des crimes ; les crimes ſervent donc la Nature ; s’ils la ſervent, ſi elle les exige, ſi elle les déſire, peuvent-ils l’offenſer, & qui peut être offenſé, ſi elle ne l’eſt pas ?

Mais la créature que je détruis eſt ma tante… Oh ! Théreſe, que ces liens ſont frivoles aux yeux d’un Philoſophe ! Permets-moi de ne pas même t’en parler, tant ils ſont futiles. Ces mépriſables chaînes, fruits de nos loix & de nos inſtitutions politiques peuvent-elles être quelque choſe aux yeux de la Nature ?

Laiſſe donc là tes préjugés, Théreſe, & ſers-moi ; ta fortune eſt faite.

Oh ! Monſieur, répondis-je toute, effrayée au