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son, toujours perſécutée par les mêmes chagrins, toujours conſolée par les mêmes douceurs, lorſque cet abominable homme, ſe croyant enfin ſûr de moi, oſa me dévoiler ſes infâmes deſſeins. Nous étions pour lors à la campagne, j’étais ſeule auprès de la Comteſſe, ſa premiere femme avait obtenu de reſter à Paris, l’été, pour quelques affaires de ſon mari ; un ſoir, peu après que je fus retirée, reſpirant à un balcon de ma chambre, & ne pouvant à cause de l’extrême chaleur, me déterminer à me coucher, tout-à-coup le Comte frappe, & me prie de le laiſſer cauſer avec moi. Hélas ! tous les inſtans que m’accordait ce cruel auteur de mes maux me paraiſſaient trop précieux pour que j’oſaſſe en refuſer aucun ; il entre, ferme avec ſoin la porte, & ſe jettant à mes côtés dans un fauteuil, — écoute-moi, Théreſe, me dit-il avec un peu d’embarras ;… j’ai des choſes de la plus grande conſéquence à te dire ; jure-moi que tu n’en révéleras jamais rien. Oh ! Monſieur, répondis-je, pouvez-vous me croire capable d’abuſer de votre confiance ? — Tu ne ſais pas ce que tu riſquerais, ſi tu venais à me prouver que je me ſuis trompé en te l’accordant ! — Le plus affreux de tous mes chagrins, ſerait de l’avoir perdue, je n’ai pas beſoin de plus grandes menaces… — Eh ! bien, Théreſe, j’ai condamné ma tante à la mort… et c’eſt ta main qui doit me ſervir… — Ma main ! m’écriai-je en reculant d’effroi… Oh !