Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 94 )

À peine fumes-nous à Paris, que Madame de Bressac s’empreſſa de travailler pour moi : le premier Préſident voulut me voir ; il écouta le récit de mes malheurs avec intérêt ; les calomnies de du Harpin furent reconnues, mais envain voulut-on le punir ; du Harpin ayant réuſſi dans une affaire de faux billets par laquelle il ruinait trois ou quatre familles, & où il gagnait près de deux millions, venait de paſſer en Angleterre ; à l’égard de l’incendie des priſons du Palais, on ſe convainquit, que ſi j’avais profité de cet événement, au moins n’y avais-je participé en rien, & ma procédure s’anéantit, m’aſſura-t-on, ſans que les magiſtrats qui s’en mêlerent cruſſent devoir y employer d’autres formalités ; je n’en ſavais pas davantage, je me contentai de ce qu’on me dit, vous verrez bientôt ſi j’eus tort.

Il eſt aiſé d’imaginer combien de pareils procédés m’attachaient à Madame de Bressac ; n’eût-elle pas eu, d’ailleurs, pour moi toutes ſortes de bontés, comment de telles démarches ne m’euſſent-elles pas liée pour jamais à une protectrice auſſi précieuſe ? Il s’en falloit pourtant bien que l’intention du jeune Comte fût de m’enchaîner auſſi intimement à ſa tante… Mais c’eſt ici le cas de vous peindre ce monſtre.

Monsieur de Bressac réuniſſait aux charmes de la jeuneſſe, la figure la plus ſéduiſante ; ſi ſa taille ou ſes traits avaient quelques défauts, c’était parce