Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 93 )


& ce ſera pour moi une raiſon de plus pour m’intéreſſer à vous. Quant à l’affaire de chez du Harpin, je me charge de l’arranger en deux viſites chez le Chancelier, mon ami depuis des ſiécles. C’eſt l’homme le plus intègre qu’il y ait au monde, il ne s’agit que de lui prouver votre innocence pour anéantir tout ce qui a été fait contre vous. Mais réfléchiſſez bien, Théreſe, que ce que je vous promets ici n’eſt qu’au prix d’une conduite intacte ; ainſi vous voyez que les effets de la reconnaiſſance que j’exige tourneront toujours à votre profit ; je me jettai aux pieds de la Marquiſe, l’aſſurai qu’elle ſerait contente de moi : elle me releva avec bonté & me mit ſur-le-champ en poſſeſſion de la place de ſeconde femme-de-chambre à ſon ſervice.

Au bout de trois jours les informations qu’avait faites Madame de Bressac, à Paris, arriverent ; elles étaient telles que je pouvais les déſirer ; la Marquiſe me loua de ne lui en avoir point impoſé, & toutes les idées du malheur s’évanouirent enfin de mon eſprit pour n’être plus remplacées que par l’eſpoir des plus douces conſolations qu’il pût m’être permis d’attendre ; mais il n’était pas arrangé dans le Ciel que la pauvre Théreſe dût jamais être heureuſe, & si quelques momens de calme naiſſaient fortuitement pour elle, ce n’était que pour lui rendre plus amers ceux d’horreur qui devaient les suivre.

G 3