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lui donnait. Tous les biens que pouvait eſpérer Monſieur de Bressac, dépendaient de cette tante ; ce qu’il avait eu de ſon pere lui donnait à peine de quoi fournir à ſes plaiſirs ; Madame de Breſſac y joignait une pension conſidérable, mais cela ne ſuffiſait point ; rien de cher comme les voluptés du Comte ; peut-être celles-là se payent-elles moins que les autres, mais elles ſe multiplient beaucoup plus. Il y avoit cinquante mille écus de rente dans cette maison, & Monsieur de Bressac était ſeul. On n’avait jamais pu le déterminer au ſervice ; tout ce qui l’écartait de ſon libertinage était ſi inſupportable pour lui, qu’il ne pouvait en adopter la chaîne. La Marquiſe habitait cette terre trois mois de l’année ; elle en paſſait le reſte à Paris ; & ces trois mois qu’elle exigeait de son neveu de paſſer avec elle, étaient une ſorte de ſupplice pour un homme abhorrant ſa tante & regardant comme perdus tous les momens qu’il paſſait éloigné d’une ville où ſe trouvait pour lui le centre des plaiſirs.

Le jeune Comte m’ordonna de raconter à la Marquiſe les choſes dont je lui avais fait part, & dès que j’eus fini ; — votre candeur & votre naïveté, me dit Madame de Bressac, ne me permettent pas de douter que vous ne ſoyiez vraie. Je ne prendrai d’autres informations ſur vous que celles de ſavoir ſi vous êtes réellement la fille de l’homme que vous m’indiquez ; ſi cela eſt, j’ai connu votre pere,