la magnificence de son père se hâte aussitôt de
les prodiguer, nouvelles embrassades, nouveaux
remerciements, et tout s’achemine vers le quartier
général de nos filous qu’on fait prendre à la
belle pour la rue Quincampoix. On débarque
dans une maison d’assez belle apparence, mademoiselle
Flarville est installée, on porte sa malle
dans une chambre, et l’on ne pense plus qu’à se
mettre à table ; là l’on a soin de faire boire la convive
jusqu’à lui troubler la cervelle : accoutumée
à ne s’abreuver que de cidre, on lui persuade que
le vin de Champagne est le jus des pommes de
Paris, la facile Rosette fait tout ce qu’on veut,
enfin la raison se perd ; une fois hors d’état de
défense on la met nue comme la main, et nos
filous bien assurés qu’elle n’a plus autre chose
sur le corps que les attraits que lui prodigua la
nature, ne voulant pas même lui laisser ceux-là
sans les flétrir, s’en réjouissent à cœur joie pendant
toute la nuit ; contents enfin d’avoir eu de
cette pauvre fille tout ce qu’il était possible d’en
tirer, satisfaits de lui avoir ravi sa raison, son
honneur et son argent, ils la revêtent d’un mauvais
haillon, et avant que le jour ne paraisse,
ils vont la déposer sur le haut des marches de
St-Roch. L’infortunée ouvrant les yeux en même
temps que le soleil commence à luire, troublée
Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/318
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX