à semer sur ses pas. Ayant à peu près tous deux
le même sort, ils se consolaient ensemble, et se
confirmaient dans cette grande vérité qui pourtant
ne corrige personne, qu’il n’y a tant de
mauvais ménages et par conséquent tant de malheur
dans le monde, que parce que des parents
avares ou imbéciles assortissent plutôt les fortunes
que les humeurs : Car, disait souvent Raneville
à sa maîtresse, il est bien certain que si le sort
nous eût unis tous deux, au lieu de nous donner,
à vous un mari tyran et ridicule, et à moi
une femme catin, les roses fussent nées sous nos
pas au lieu des ronces que nous avons si longtemps
cueillies.
Un événement quelconque dont il est assez inutile de parler, conduisit un jour M. de Raneville à ce village bourbeux et malsain qu’on appelle Versailles, où des rois faits pour être adorés dans leur capitale, semblent fuir la présence de sujets qui les désirent, où l’ambition, l’avarice, la vengeance, et l’orgueil conduisent journellement une foule de malheureux allant sur l’aile de l’ennui sacrifier à l’idole du jour, où l’élite de la noblesse française qui pourrait jouer un rôle important dans ses terres, consent à venir s’humilier dans des antichambres, faire bassement la cour à des suisses de porte, ou men-