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LA MARQUISE DE TELÊME
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mais il faut se bien conduire ici, et ce qu’il y a de mieux à faire est, ce me semble, de commencer par soutirer de la jeune personne tout ce qui peut lui rester d’écus ; se rendre pendant ce temps sourdement maître de la réussite du procès ; la lui faire voir comme impossible, la mettre au point d’être obligée de repartir le poignard dans le cœur et quand nous en serons là, vous me présenterez, vous m’annoncerez comme un homme en crédit, je ferai mes offres. Si la belle est sévère, autant de gagné, nous redéferons bientôt ce que nous aurons fait et nous la renverrons par le coche à son mari ; si au contraire elle se rend, nous ferons nos dernières démarches, on lui fera gagner sa cause, et les dépens que nous obtiendrons s’il y a lieu et que j’avancerai si la partie est insolvable, la dédommageront de ce dont il faut, mon cher Saint-Verac, que vous commenciez par vous emparer tout de suite afin de préparer les voies, car on ne fait rien d’une femme qui a de l’argent : la vertu de ces dames se règle assez communément sur l’état de la bourse ; elle n’est pas plus tôt dégarnie qu’on les trouve plus douces que des agneaux. Tels étaient les principes de ce maltôtier, fait sans doute à de pareils traits ; accoutumé à ne devoir qu’à son vilain or, ce qu’un homme sen-