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LE PRÉSIDENT MYSTIFIÉ
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dité de sa femme allait le priver du plaisir de faire le savant devant elle, sans se douter, le pauvre diable, que c’était elle qui allait jouer le premier rôle dans cette singulière comédie.

Quoique les ballons ne fussent pas encore publiés, ils étaient déjà connus en 1779 et l’habile physicien qui devait exécuter celui dont il va être question, plus savant qu’aucun de ceux qui le suivirent, eut le bon esprit d’admirer comme les autres et de ne dire mot quand des intrus arrivèrent pour lui ravir sa découverte ; au milieu d’un aérostat parfaitement bien fait devait s’élever, à l’heure prescrite, mademoiselle de Téroze dans les bras du comte d’Elbène et cette scène vue de très loin et seulement éclairée d’une flamme artificielle et légère, était assez adroitement représentée pour en imposer à un sot comme le président qui n’avait même de sa vie lu un ouvrage sur la science dont il se parait.

Toute la compagnie arrive sur le sommet de la tour, on s’arme de lunettes, le ballon part. — Apercevez-vous, se dit-on mutuellement ? — Pas encore. — Si fait, je vois. — Non, ce n’est pas cela. — Je vous demande pardon, à gauche, à gauche, fixez-vous vers l’orient. — Ah ! je le tiens, s’écrie le président tout enthousiasmé, je le tiens, mes amis, dirigez-vous sur moi… un