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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


retirer. Notre jeune amant toujours de sens froid fait une profonde révérence et s’apprête à sortir. — Vous retournez au bal, lui dit sèchement Mlle de Villeblanche en le regardant avec un dépit mêlé du plus ardent amour. — Mais oui, je vous l’ai dit, ce me semble. — Ainsi vous n’êtes pas capable du sacrifice que je vous fais. — Quoi, vous m’avez fait quelque sacrifice ? — Je ne suis rentrée que pour ne plus rien voir après avoir eu le malheur de vous connaître. — Le malheur ? — C’est vous qui me forcez à me servir de cette expression, il ne tiendrait qu’à vous que j’en employasse une bien différente. — Et comment arrangeriez-vous cela avec vos goûts ? — Que n’abandonne-t-on pas quand on aime ! — Eh bien oui, mais il vous serait impossible de m’aimer. — J’en conviens, si vous conserviez des habitudes aussi affreuses que celles que j’ai découvertes en vous. — Et si j’y renonçais ? — J’immolerais à l’instant les miennes sur les autels de l’amour… Ah ! perfide créature, que cet aveu coûte à ma gloire, et que viens-tu de m’arracher, dit Augustine en larmes, en se laissant tomber sur un fauteuil. — J’ai obtenu de la plus belle bouche de l’univers l’aveu le plus flatteur qu’il me fût possible d’entendre, dit Franville en se précipitant aux genoux d’Augus-