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AUGUSTINE DE VILLEBLANCHE
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ciles, qu’il est très rare de les y voir renoncer… Ça établit des méchancetés d’ailleurs, de froids bons mots, de plats calembours, et pour la société, c’est-à-dire pour une collection d’êtres que l’ennui rassemble et que la stupidité modifie, il est si doux de parler deux ou trois heures sans avoir rien dit, si délicieux de briller aux dépens des autres et d’annoncer en blâmant un vice qu’on est bien éloigné de l’avoir… c’est une espèce d’éloge qu’on prononce tacitement sur soi-même ; à ce prix-là on consent même à s’unir aux autres, à faire cabale pour écraser l’individu dont le grand tort est de ne pas penser comme le commun des mortels, et l’on se retire chez soi tout gonflé de l’esprit qu’on a eu, quand on n’a foncièrement prouvé par une telle conduite que du pédantisme et de la bêtise.

Ainsi pensait Mlle de Villeblanche et très affirmativement décidée à ne se jamais contraindre, se moquant des propos, assez riche pour se suffire à elle-même, au-dessus de sa réputation, visant épicuriennement à une vie voluptueuse et nullement à des béatitudes célestes auxquelles elle croyait fort peu, encore moins à une immortalité trop chimérique pour ses sens, entourée d’un petit cercle de femmes pensant comme elle, la chère Augustine se livrait innocemment à tous